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La  découverte

Lors de la séance du 27 décembre 1850 de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres de Paris, Adélaïde-Edouard LE LIEVRE, Marquis de LA GRANGE, signale qu’il vient de faire l’acquisition d’un trésor de deniers d’argent mérovingiens. Ce trésor, enfermé dans un pot de terre a été découvert au milieu d’un champ à Montuzet à proximité d’une chapelle, lieu de pèlerinage commémorant une grande bataille livrée contre les Sarrasins. Le procès-verbal de la séance est perdu, mais un résumé de cette communication parait dans la Revue Archéologique de 1851 et le Marquis de LA GRANGE publie un article "Monnaies mérovingiennes d’argent" dans la Revue Numismatique de la même année, sans donner de précisions sur sa trouvaille plassacaise. Il ne donne pas non plus la date de la découverte mais il est logique de la situer en 1850, juste avant sa communication. Il est aussi discret sur les conditions de l’acquisition. Là encore, il est logique de penser que le Marquis de LA GRANGE, député de la Gironde, Conseiller Général de Blaye, où il réside, et connu comme numismate, a été facilement contacté par l’inventeur du trésor.


La composition

Cette découverte suscite un grand intérêt chez les historiens car les trésors mérovingiens sont très rares et le sont toujours. On sollicite souvent l’heureux propriétaire mais, malgré ses promesses, il ne publiera jamais intégralement ce trésor. On en reste à l’inventaire sommaire paru en 1851 : 173 deniers d‘argent, 4 flans (il s’agit de morceaux d’argent battu au marteau, taillé et pesé avant la fabrication du denier) et une petite plaque d’or. Le Marquis meurt le 17 juin 1876 et sa collection de "médailles" est vendue aux enchères, les 19-20 février 1877. On a alors une description précise de la composition du trésor, encore que les deniers plassacais soient mélangés à des pièces provenant d’autres lieux. Lors de cette vente, les monnaies sont dispersées et de longues recherches ont été nécessaires pour reconstituer ce trésor. J. LAFAURIE, en 1969, dans la Revue Numismatique, publie l’article "Monnaies d’argent mérovingiennes du VII au IXe siècles: les trésors de St Pierre-les-Etieux (Cher) Plassac (Gironde) et Nohament (Puy de Dôme)" nous  donnant une description rigoureuse et complète de ce trésor.


L’origine des deniers

L’intérêt scientifique de cette découverte réside dans l’étude de l’origine de ces monnaies pour comprendre le système monétaire mérovingien et les courants d’échanges commerciaux. Vers la fin du VII siècle, ce système semble s’organiser avec la définition  d’un sou à 12 deniers, vieux denier romain mais d’un poids bien allégé…, frappé en argent. Il n’y a pas de monopole de la frappe pour l’état royal. Il faudra attendre Pépin le Bref en 755 pour réaffirmer le monopole royal et normaliser la frappe du denier d’argent. La conséquence de cette absence de monopole est le nombre important d’ateliers de frappe et de signatures de « monétaires ». Le trésor de Plassac est sur cette dispersion particulièrement intéressant : une quarantaine de deniers viennent d’ateliers monétaires de POITIERS et de sa région, une vingtaine de BOURGES, une dizaine du val de LOIRE ( TOURS, ORLÉANS ) onze de PARIS, une quinzaine de la région de ROUEN, six du Massif Central (NEUVIC-d’USSEL, LIMOGES, CLERMONT ) deux de BORDEAUX, une douzaine du nord de la GAULE. Une quinzaine sont d’origine indéterminée. Enfin trois sont des sceattas, monnaies frisonnes.


La date de l’enfouissement

Comme pour tous les trésors mérovingiens, il est extrêmement difficile de connaitre la date de l’enfouissement. C’est certainement dans un climat de grande insécurité, face à une grave menace que ce trésor a été enterré. En 732, les troupes  d’ABD-AL-RAHMANE, venues d’Espagne, s’emparent de BORDEAUX, pillent la ville et ses faubourgs, écrasent l’armée d’EUDES d’AQUITAINE lors d’une bataille située "entre DORDOGNE et GARONNE" (appelée souvent bataille de BORDEAUX ). BLAYE est prise et la population massacrée. Les Sarrasins remontent vers POITIERS, plus pour continuer leur razzia que pour une conquête territoriale. La richesse de TOURS excite leur convoitise. C’est alors que CHARLES MARTEL vient au secours d’EUDES, stoppe l’avance de l’armée d’ABD-AL-RAHMANE à POITIERS en 732 et traverse le nord de l’AQUITAINE. On imagine facilement les pillages et les ruines provoquées par le passage répété des troupes et le sentiment d’insécurité que génère cet état de guerre quasi permanent, d’autant plus que les troupes de CHARLES MARTEL avaient les mêmes objectifs que l’armée sarrasine. La date retenue pour l’enfouissement est située en 730-735.